Les hommes

Les familles

Vivant dans le même univers hostile que leurs surveillants de maris et que les bagnards, les épouses et enfants ont payés un lourd tribut à l'aventure de cette "prison sans mur" qui était le bagne.
Souvent les enfants, élevés avec l'aide des garçons de famille, gardent malgré tout une nostalgie de cette époque.
Témoignage unique d'une épouse de surveillant, la dernière à avoir vu le docteur BOUGRAT avant sa spectaculaire évasion :
"Ce fut lors d'un de ces séjours que je rencontrais le docteur BOUGRAT. Ce médecin qui avait tué et enfermé dans un placard sa victime, un homme d'affaire, vous pensez bien que dès son arrivée en Guyane, il fut affecté au laboratoire des analyses de l'hopital où il était traité comme un homme libre. C'était lui qui me faisait les prises de sang. Je le revois encore avec sa figure ronde au teint blanc et rose et très distant. J'évitais de lui poser des questions indiscrètes et les seules conversations était au sujet de ma santé et le dernier jour où je le voyais, il me dit : "Quittez ce pays, madame, c'est un conseil que je vous donne". Je ne répondis pas car pour moi, c'était un bagnard comme les autres, je n'avais pas plus d'estime pour lui.
Le dernier jour que je passais à l'hopital, un après-midi avec deux autres malades, nous regardions par la fenètre de la véranda, ce qui se passait dans la cour et la rue qui était assez proche quand nous l'aperçumes accompagné de notre garçon de réfectoire et un troisième condamné, ils franchirent la grille de l'hopital et nous firent un signe d'adieu. Nous fûmes subjuguées par cette attitude, car l'élément pénal ne se permettait pas d'une pareille attitude vis à vis des épouses du personnel administratif. Toutes les trois, nous eûment la même pensée par avance qu'ils partaient en cavale."